Le nom secret d’Amon-Rê

Quand Aset atteignit l’âge adulte, elle était devenue une favorite des dieux. Le dieu de la lune Khonsou et le dieu de la sagesse Djehouty passaient tous les deux une grande partie de leur temps à lui enseigner la magie de Heka et comment utiliser les mots magiques de pouvoir. Grâce à l’éducation des dieux, Aset devint une sorcière renommée dans le monde entier.

Un jour, Aset entendit les cris du peuple du pays de Kemet. La terre était sèche, les récoltes brûlaient et rien ne poussait. La grande sécheresse répandait la famine.

Quand elle observa le royaume, Aset comprit soudain la cause de la sécheresse. C’était à cause d’Amon-Rê. Le pouvoir cosmique d’Amon-Rê était immense et il brûlait sa création. Donc, Aset imagina un plan.

Aset se procura un peu du crachat d’Amon-Rê, qu’elle mélangea à de la terre pour créer une vipère venimeuse. Alors, elle donna vie à la vipère et la libéra dans le jardin d’Amon-Rê.

Comme le savaient tous les dieux et tous les mortels, Amon-Rê allait se promener tous les matins dans son jardin divin pour contempler sa création. Le lendemain matin, quand le dieu créateur marcha dans son jardin, la vipère venimeuse d’Aset le mordit au talon. Amon-Rê utilisa un mot de pouvoir pour ordonner au venin de quitter son corps, mais le venin refusa de partir.

La vipère d’Aset se prépare à mordre Amon-Rê au talon
La vipère d’Aset se prépare à mordre Amon-Rê au talon

Intrigué, le dieu créateur utilisa un autre mot de pouvoir pour purger son corps du venin de la vipère, mais le venin était têtu et restait dans son corps. Au bout d’un moment, Amon-Rê repartit s’asseoir sur son trône et réfléchit à cet événement sans précédent.

Pendant de nombreux jours, la santé d’Amon-Rê commença à se détériorer à cause du venin de la vipère. Sa mâchoire et ses lèvres tremblaient et il perdit même la parole pendant une brève période ; jamais il n’avait souffert autant. Il demanda à Khonsou de recourir à sa magie, mais le dieu de la lune ne parvint pas à chasser le venin du corps d’Amon-Rê. Alors, il appela Hathor mais, malgré tous ses pouvoirs de guérison, la déesse ne put chasser le venin, elle non plus. Amon-Rê appela Djehouty, mais ce dernier ne trouva aucun remède dans sa grande bibliothèque. Finalement, le dieu créateur souffrant appela Aset à l’aide.

Quand Aset eut examiné Amon-Rê, elle lui dit qu’elle pourrait le guérir avec un charme mais qu’il devrait lui révéler son nom secret pour que le charme fonctionne. Donc, Amon-Rê dit : « J’ai beaucoup de noms : je suis le Caché, Celui qui Donne la Vie, le Plus Grand des Créateurs, le Bélier de l’Ouest, Ra Qui Est le Heru des Horizons et le Complet. »

Aset jeta son sort en utilisant les noms qu’Amon-Rê lui avait donnés, mais sans effet. Elle lui répéta : « Grand Créateur, pour pouvoir chasser le venin de ton corps, il faut absolument que tu me révèles ton nom secret ».

Alors, Amon-Rê lui dit : « Je suis Khepera le matin, je suis Ra à midi et je suis Atoum au crépuscule. »

Une fois de plus, Aset jeta son sort en utilisant ces noms, mais le sort en question ne parvint toujours pas à extraire le venin du corps d’Amon-Rê. « Ô grand Amon-Rê », dit-elle au dieu créateur, « ne plaisante plus ! Dis-moi ton nom secret que je puisse enfin te guérir de cette affliction ! »

Amon-Rê réfléchit à la requête d’Aset et, comme sa santé se détériorait rapidement, il décida finalement de révéler son nom secret à la déesse. « Écoute avec ton cœur », lui chuchota-t-il.

Alors, Amon-Rê révéla son nom secret directement de son cœur au cœur d’Aset. Soudain, la déesse se sentit comme traversée par la foudre, car le nom secret du dieu créateur l’imprégnait de son grand pouvoir.

Aset commença à jeter son sort en utilisant le nom secret d’Amon-Rê, mais elle s’arrêta soudain. « Amon-Rê », lui dit-elle, « partout où tu vas dans le royaume, ton pouvoir cosmique brûle les récoltes et assèche la terre. Ta création est trop fragile pour résister à ton pouvoir. Tes sujets crient de douleur et d’angoisse à cause de cette grande chaleur. »

« Je vais finir mon charme et te guérir de ce venin », poursuivit Aset, « mais seulement si tu quittes la Terre pour que ta propre création puisse prospérer et si tu nommes mon mari Ausar roi pour que les mortels aient un Netjerou sage et bienveillant à leur tête. »

La première réaction d’Amon-Rê fut la colère. « Espèce d’insolente ! Comment oses-tu essayer de faire du chantage au plus grand des dieux ? » cria-t-il.

Cependant, il réfléchit aux paroles sages d’Aset et écouta attentivement les cris de ses sujets. Il comprit alors qu’elle avait raison. Son propre pouvoir cosmique détruisait sa création même et tuait son peuple.

« Très bien », dit enfin le dieu créateur. « Quand tu auras extrait le venin de cette vipère de mon corps, je nommerai ton mari Ausar roi du monde et je quitterai la Terre pour que ma création puisse survivre. Amon-Rê a parlé. Qu’il en soit ainsi. »

Alors, quand Amon-Rê eut prononcé ce serment divin inviolable, Aset finit son charme en disant : « Coule, venin, sors d’Amon-Rê. Œil de Heru, sors d’Amon-Rê et brille en dehors de sa bouche. C’est moi, Aset, qui parle et qui ai fait tomber le venin par terre. En vérité, le nom du grand dieu lui a été retiré. Amon-Rê vivra et le venin mourra ; si le venin vit, Amon-Rê mourra. »

Alors, avec ce charme infaillible que l’on utilise dans les cas d’empoisonnement, la morsure du reptile venimeux fut rendue inoffensive. Le venin disparut du corps d’Amon-Rê.

Le dieu créateur guérit immédiatement et, fidèle à sa parole, il convoqua les Netjerou et son peuple et nomma officiellement son arrière-petit-fils Ausar roi du monde. Alors, il chargea Djehouty d’apprendre aux mortels les secrets d’Ouret-Hékaou, les mots de la magie qui les protégeraient contre les poisons et les afflictions susceptibles de les affliger.

Pour remplir sa promesse, Amon-Rê convoqua la déesse Hathor qui, sous forme de vache, l’emmena au Atet, sa grande barque solaire céleste, qu’il utilise pour traverser le ciel tous les jours et le monde souterrain du Duat toutes les nuits.

La Magie